Introduction des auteurs et d'André Stoop

La rédaction d'un topo d'escalade est un travail considérable. C'est l'aboutissement d'une recherche bibliographique exhaustive, d'un repérage intensif sur le terrain et de la mise en forme de ces informations combinées. La topographie permettra au lecteur-grimpeur de s'orienter, de choisir et évaluer son terrain de jeu mais aussi, dans un certain sens, d'y lire son passé.

Cette pièce "montée" ne sera jamais qu'une radiographie instantanée d'un état des falaises en perpétuelle évolution dans le temps. Cet état des lieux, bilan de l'instant présent sera dépassé demain. Par la philosophie que nous avons voulu imprimer à celui-ci et grâce à la mémoire électronique dans laquelle il repose, l'histoire restaurée sera fixée définitivement. Cette topographie s'inscrit dans la durée. L'élaboration d'un tel travail, avec ses enthousiasmes, ses joies et ses "raz-le-bol", nous a poussé à un effort considérable et permanent de réflexion. C'est une expérience riche et pleine d'enseignements.

C'est encore le reflet d'un constat où touche par touche, plan par plan, nous attirons l'attention du lecteur sur le fait que son jeu favori était encore, il y a quelques années, un réel terrain d'aventure. Le grimpeur qui lira cet ouvrage pourra s'interroger sur le nombre de voies verticales et linéaires semblant tracées au buldozzer, sur le nombre de voies où la première longueur est installée en "top-rope" (moulinette), sur l'apparition de quelques excroissances ou entailles faites de main d'homme, sur la poésie des voies louvoyantes oubliées ou effacées qui évoluaient au fil d'un parcours logique et naturel.

Tout cela n'est-il pas dû à la nécessité de disposer, au plus vite et pour un nombre sans cesse croissant de pratiquants, de tracés permettant à ceux-ci de pratiquer leur sport favori sur un espace réduit. Peut-être est-ce pour les octogradistes le moyen de durcir encore leurs voies et "tirer" à travers tout grâce à leurs dons physiques ? Tout ceci est probablement favorisé par l'utilisation de techniques modernes d'équipement (forage et brochage par rappel vertical) et la capacité qu'ont ces nouveaux techniciens du vertical, que sont les équipeurs modernes, de réaliser très rapidement un travail privilégiant la sécurité aux dépens de l'engagement et de la beauté d'une voie. Enfin, ceci est un choix qui ne nous revient pas. Chaque lecteur décidera lui-même de son option philosophique.

Faut-il pour autant, lorsqu'un nouveau tracé s'inscrit en partie dans une voie existante, prendre la liberté de rebaptiser celle-ci ? Cette démarche donne-t-elle un droit moral à l'équipeur (parfois ouvreur, parfois libérateur) sur ce nouveau parcours ? Peut-on encore appeler ce tracé "voie d'escalade" ?

Ces points ont déjà été largement débattus par nos voisins français de la FFME et du COSIROC. Ils ont publié des textes qui définissent le droit moral des ouvreurs. Ces textes pourraient servir à combler le vide juridique belge en cette matière.

En conclusion, il nous semble, sans nier les besoins ou désirs de l'escalade moderne, qu'il est intéressant et, à notre avis, capital de maintenir, au-delà de toute nostalgie surannée, des voies pitonnées traditionnellement, des voies d'escalade artificielle et même des voies libres de tout matériel d'assurage fixe. Un large débat devrait être engagé sur l'équipement, le rééquipement, l'ouverture des voies et le droit des auteurs, des équipeurs ou du commanditaire d'un travail d'équipement. Cela permettrait, vu l'urgence en la matière, d'élaborer une politique globale de gestion des sites d'escalade.

Dans cet esprit, nous avons oeuvré pour que cette topographie soit une source de références et d'informations, non seulement pour tous les grimpeurs, mais aussi pour les futurs ouvreurs, les (ré)équipeurs et toutes les personnes impliquées dans la gestion et l'évolution de ce site exceptionnel qu'est FREYR.

Le site de FREYR est un ensemble de falaises calcaires datant du BAS CARBONIFÈRE. Son type de rocher est par ailleurs la référence mondiale en la matière comme constitué de dépôts "DINANTIEN" comme ceux du Grand Canyon ou les "uplands" d'Angleterre et d'Écosse. Le site est actuellement proposé à l'UNESCO pour être classé.



André Stoop
Gérard Miserque
Serge Motquin